Lundi 19 mai 2014
Amsterdam
Au cours d’une longue séance de brainstorming avec un client institutionnel, nous discutons du contexte de marché:
- Le déclin persistant des rendements des obligations d’État: les investisseurs apprécient la complaisance de la Réserve fédérale américaine et prévoient, ou du moins espèrent, une action de la BCE. Nous ne partageons pas l’interprétation selon laquelle le marché obligataire anticipe un ralentissement (ce n’est en tous cas pas le cas des actions).
- La quête de rendements plus élevés, dont le caractère irrépressible n’est pas surprenant: le risque économique baisse et l’économie se redresse grâce aux liquidités injectées généreusement par les banques centrales. Les investisseurs apprécient donc les obligations à haut rendement et la dette émergente, dont les rendements ont aussi chuté.
- Comment se préparer à un contexte plus hostile: à moins d’effectuer consciencieusement ses propres recherches, les stratégies de risque sous forme d’overlay sont une façon de se préparer à un sursaut de volatilité. Cependant, nous ne percevons actuellement aucune raison d’anticiper une telle hausse.
Mardi 20 mai 2014
Madrid
Je me rends à Madrid pour des présentations clients environ tous les six mois. Les conversations que j’ai ensuite avec les clients sont clairement plus enthousiastes que la dernière fois. Non seulement les données économiques concrètes de l’Espagne affichent une nette amélioration (ex. le PIB), mais les preuves empiriques montrent aussi que le moral remonte: les ventes de voitures sont en hausse, à l’instar des sorties dans les restaurants durant la semaine, les routes vers la plage sont bondées le week-end, les prix immobiliers ont rebondi et les banques se livrent à une féroce concurrence pour remporter les mandats de lignes de crédit de PME de bonne qualité (transmission monétaire à l’œuvre).
Mercredi 21 mai 2014
Bruxelles
Demain, Ben Bernanke fête le premier anniversaire de son allusion à la probabilité d’un allégement de l’assouplissement quantitatif (QE). Un an plus tard, les achats mensuels d’actifs réalisés dans ce contexte sont passés de 85 à 45 milliards d’USD , les taux des bons du Trésor à 10 ans ont gagné 50 points de base, l’indice S&P500 s’est hissé de 13% et les rendements des obligations d’entreprises ont baissé. Seule la dette émergente locale souffre encore d’un impact négatif notable. Ceci peut être interprété comme une invitation à marquer une pause et à se calmer quand tout le monde s’agite et réagit exagérément à l’arrivée d’un nouveau thème. La politique de communication de la Fed a beaucoup de mérite à cet égard: elle a d’abord fait accepter l’idée du tapering et l’a transformé en un non-événement. Ensuite, au lieu de fonder ses indications prévisionnelles sur les statistiques, elle est revenue à un mode de communication plus traditionnel au point que les investisseurs ne se préoccupent à présent plus du timing du premier tour de vis (du moins pour l’instant). Pour autant, l’appétit insatiable pour le rendement est l’explication la plus plausible.
Je m’envole pour Bologne dans la soirée pour prendre la parole à une conférence le lendemain à Rimini. J’ai déjà vécu des expériences intéressantes par le passé dans des taxis italiens, mais celle-ci est la meilleure. En entrant dans le véhicule, je remarque une housse d’appuie-tête sur le siège avant qui porte l’inscription Mille Miglia. Ça ne peut pas être une coïncidence: les pneus crissent dans les rond-points et le chauffeur fait sans cesse clignoter les phares en ville pour chasser les autres voitures du chemin. Je comprends pourquoi Fiat a installé des barres à l’arrière de ses véhicules: c’est pour permettre aux passagers de s’agripper! À l’arrivée à l’hôtel, je donne un pourboire au chauffeur (« Dieu merci nous sommes arrivés sains et saufs! »).
Jeudi 22 mai 2014
Rimini
Je participe à une grande conférence dédiée aux investisseurs et aux conseillers financiers. On y discute des raisons pour lesquelles l’euro résiste aussi bien face au dollar. Quand je dis que l’euro ne se dépréciera significativement que quand les États-Unis considéreront qu’un raffermissement du dollar est dans leur intérêt (en raison des risques inflationnistes à l’horizon), de nombreux chuchotements résonnent dans le public: celui-ci avait clairement espéré une dépréciation plus rapide de l’euro.
Vendredi 23 mai 2014
Rome
Présentations clients intitulées « Où sont les poissons? » (c.-à-d. où sont les opportunités intéressantes) sur les perspectives d’investissement. Un client apprécie la métaphore et me demande quand le pêcheur cessera-t-il de pêcher? Une question pertinente à laquelle il est difficile de répondre: il semble que la plupart des investisseurs ont du mal à réduire le risque lorsqu’ils ont engrangé des rendements élevés: une performance décevante provoque le désespoir, mais l’inverse attise la cupidité.
William De Vijlder
Vice – Chairman de BNP Paribas Investment Partners