Lundi 12 mai 2014

Abu Dhabi

J’atterris à Abu Dhabi vers 7 heures du matin et la chaleur est déjà bien présente, mais elle devient bien plus étouffante plus tard dans la journée (36°C). Je participe à plusieurs réunions d’investisseurs sur les perspectives économiques et de marché. Je dîne avec un ancien collègue qui travaille à présent dans la région. Les projets d’investissement dans le pays dans les prochaines années sont colossaux (ex. infrastructure, production d’électricité), ce qui crée des opportunités intéressantes dans le financement de projets. À savoir que l’augmentation des dépenses d’investissement locales implique aussi une baisse des excédents courants (l’excédent des comptes courants correspond à la différence entre l’épargne et les investissements du secteur privé d’une part et l’excédent ou le besoin d’emprunter du secteur public d’autre part). Par conséquent, la liquidité excédentaire actuelle devrait être moins problématique dans le futur. Pour l’heure, cette liquidité inonde les marchés des actions, de l’immobilier et des stratégies obligataires à effet de levier. 

Mardi 13 mai 2014 

Abu Dhabi/Dubai

La matinée est une nouvelle fois consacrée à des réunions d’investisseurs. Les discussions portent plus particulièrement sur les marchés émergents, avec des questions telles que « quand est-il opportun d’investir ? ». Conscients de l’attrait des valorisations, nous attendons les premiers signes d’amélioration de la dynamique économique. Les exportations jouent un rôle primordial à cet égard. La politique de la BCE fait aussi partie du débat: elle agira en juin. Cependant, après toutes les discussions à propos de ses préoccupations sérieuses envers la vigueur de l’euro, le marché risque de craindre sérieusement qu’elle n’en fasse pas assez. Dans l’après-midi, je prends la parole lors d’une conférence à Dubaï sur les opportunités dans les marchés obligataires. Cette conférence a attiré beaucoup de monde (plus de 800 personnes selon l’organisateur) et était consacrée aux émissions obligataires dans le Golfe. Je parle des influences macroéconomiques mondiales, et notamment du défi auquel est confronté la Réserve fédérale américaine: augmenter les taux d’intérêt sans provoquer un plongeon des actions et obligations. Le risque semble minime, mais la réaction du marché aux discussions sur la réduction d’achats d’actifs il y a pratiquement un an rappelle à quel point des mots, même choisis avec soin, peuvent être déstabilisateurs. Néanmoins, ce problème ne se posera que l’année prochaine et, entre-temps, les marchés obligataires continuent de se porter à merveille. Les taux des obligations d’État ont poursuivi leur incroyable déclin, suggérant que les investisseurs n’anticipent pas du tout d’inflation. La conférence a lieu dans un magnifique complexe hôtelier orné de jardins paysagers, dommage que la chaleur n’incite pas à la promenade. Avant de partir vers l’aéroport, le chauffeur de taxi me montre l’archipel artificiel du Palm (impressionnant) et la Burj Khalifa, le gratte-ciel le plus haut du monde (très impressionnant). 

Mercredi 14 mai 2014 

Koweït

Réunions d’investisseurs sur les actions éventuelles de la BCE en juin. Notre équipe Marchés monétaires prévoit une baisse du taux refi et du taux de prêt marginal, et aucun changement pour le taux de dépôt. Rien n’indique avec certitude que ces mesures permettront d’abaisser l’euro. Nous discutons également des raisons pour lesquelles le pic cyclique des bons du Trésor américain sera inférieur à 5%: principalement parce que la croissance nominale du PIB sera moins forte que lors des cycles précédents. En outre, plus les actions grimpent, plus les investisseurs seront tentés de prendre leurs bénéfices et d’acheter des obligations. Dans l’après-midi, je travaille sur mes prochaines présentations à l’hôtel lorsque la CNBC annonce une information de dernière minute. Jens Weidmann de la Bundesbank a déclaré que les instruments envisagés n’étaient pas tous appropriés, qu’un objectif de taux de change ne cadrait pas avec une politique monétaire indépendante et que la BCE aurait agi la semaine dernière si elle l’avait jugé nécessaire. Autrement dit, la probabilité de recourir à une politique purement non conventionnelle (c.-à-d. un assouplissement quantitatif) s’éloigne et les nouvelles prévisions des équipes de la BCE deviennent cruciales dans la décision d’agir ou non en juin. De plus, ces propos renforcent l’idée que le contexte de faible inflation n’est pas prêt de s’achever. Il semble en tous cas que ce soit l’avis du marché des obligations, les rendements du Bund étant descendu à moins de 1,4%.

Le retour du Koweït est une expérience « intéressante » vu que le départ de mon vol vers Francfort n’est prévu qu’à 1h35 du matin. Voyons le bon côté des choses: j’ai à présent tout le temps de lire durant la soirée.

Jeudi 15 mai 2014 

Bruxelles

J’atterris à Francfort et lis le Handelsblatt en attendant ma correspondance vers Bruxelles. Le journal évoque la énième interview ou déclaration d’un gouverneur de la BCE, Peter Praet en l’occurrence, sur l’éventail d’instruments à sa disposition, la détermination à agir, etc. Il sera difficile de créer la surprise le 5 juin, date de la prochaine réunion de la BCE. 

Vendredi 16 mai 2014 

Bruxelles

J’écoute la radio dans la voiture, en route pour un chat en direct avec les lecteurs de L’Echo, un journal financier belge. À la veille des élections européennes, une journaliste visite différents pays. Elle parle d’un dentiste grec qui devient graffeur la nuit. Pour nouer les deux bouts, il vend des peintures avec des modèles graffitis dans une galerie d’art. Le chemin vers le rétablissement complet de la crise de la zone euro est encore long.

 

William De Vijlder

Vice – Chairman de BNP Paribas Investment Partners,