Il est rarissime que les économistes en parlant de leurs prévisions utilisent le mot « certitude ». Je respecte, en principe, cette « règle », mais cette fois je vais faire une exception. J’ai envie de dire que les perspectives 2023 sont marquées par trois « certitudes ».
La première c’est la désinflation qui va démarrer et qui va trouver son origine dans un effet de base favorable (c’est la comparaison en glissement annuel des prix de l’énergie qui vont baisser) mais aussi dans une demande qui s’essouffle en réaction à l’inflation élevée et à la hausse des taux officiels et des taux d’intérêt.
Deuxième « certitude », c’est le pic des taux officiels qui devrait être atteint cette année (plutôt au printemps), aux États-Unis et en zone euro. C’est un développement qui est très important. Le fait que les banques centrales après avoir remonté les taux de façon très déterminée vont passer à une nouvelle étape dans leur politique monétaire et vont plutôt stabiliser ces niveaux à un niveau suffisamment restrictif.
La troisième « certitude », c’est qu’une partie de l’année sera passée en récession, en zone euro, probablement nous sommes déjà en récession, aux États-Unis, la récession devrait arriver d’ici quelques mois.
Bien évidemment, ces certitudes s’accompagnent de plusieurs facteurs d’incertitude. Premier facteur, c’est l’ampleur et la rapidité de la désinflation. Le risque que la désinflation soit plus lente qu’on ne l’imagine est bien réel. Élément important, les entreprises continuent à se plaindre d’une hausse des prix des intrants, ce qui va influencer les prix de vente.
Deuxième élément qui va jouer un rôle, c’est la croissance des salaires. Cette croissance est encore en accélération en zone euro et reste très élevée aux États-Unis. C’est un facteur qui influence la base de coût des entreprises et qui peut donc influencer les prix de vente.
Troisième élément d’incertitude : à quel niveau les banques vont-elles arrêter de remonter leurs taux officiels. Le risque est bien réel que le pic cyclique des taux soit supérieur au niveau qui est actuellement anticipé par les marchés financiers. Dans ce cas, cela donnerait lieu à un renchérissement des conditions de financement, à une hausse des rendements obligataires (notamment pour l’émission de la dette par les entreprises), et également les crédits hypothécaires seraient plus chers avec un impact négatif sur la demande finale dans l’économie.
Quatrième élément d’incertitude : la récession sera-t-elle de faible ampleur et d’une durée relativement courte (c’est notre scénario de base), mais pourrait également être plus sévère ou plus longue ? Le comportement des prix de l’énergie (cinquième élément d’incertitude) jouera un rôle très important. Dernièrement, ils ont plutôt baissé mais on ne peut pas exclure une nouvelle remontée des prix du gaz une fois les stocks reconstitués dans le courant de l’année.
Sixième facteur d’incertitude, c’est la nature de la reprise. Les anticipations sur la nature de la reprise auront déjà une influence sur le comportement des ménages et des entreprises pendant la récession. Si les entreprises estiment que la reprise sera dynamique, elles seront d’autant plus enclines à investir davantage et plus tôt. Si elles considèrent que la reprise sera plutôt molle, leur velléité d’investissement sera plus limitée.
En évoquant les perspectives de 2023, j’ai mentionné la liste de facteurs de haute probabilité (les certitudes), j’ai mentionné les éléments d’incertitude, je souhaiterais maintenant parler des facteurs de résilience. C’est important, et en haut de la liste, on trouve la rétention de main d’oeuvre. Depuis des mois, les entreprises aux États-Unis et en zone euro ont été confrontées à des difficultés de recrutement. Ces entreprises vont craindre lors de la reprise d’être à nouveau très vite confrontées à ces difficultés. Et dans ce contexte, elles vont plutôt préférer conserver leur personnel, ce qui sera un facteur de résilience pour l’économie, la demande et le revenu des ménages.
Deuxième élément de résilience : les besoins énormes d’investissement dans le cadre de la transition énergétique. Cela sera un élément qui va soutenir la demande dans l’économie européenne et dans bien d’autres pays.
Troisième élément de résilience, ce sont les programmes de soutien, notamment à destination des ménages, pour pallier les conséquences sur le pouvoir d’achat de la hausse des prix de l’énergie et de l’inflation plus généralement.
Autre élément de résilience, c’est l’épargne accumulée durant la pandémie. Cette épargne excédentaire qui, certes, a été en partie érodée par l’inflation élevée est une sorte de réservoir de pouvoir d’achat dans lequel les ménages pourront puiser pour, au besoin, financer leurs dépenses. Dernier élément, et là je me fonde sur une étude récente du Fonds monétaire sur l’Union européenne, la qualité des bilans des entreprises et des ménages en Union européenne s’est très fortement améliorée ces dernières années.
Plusieurs facteurs de résilience qu’on doit bien garder à l’esprit quand on essaie de faire la part des choses entre d’un côté les éléments de certitude et les éléments d’incertitude.